1. L’objectif de ce document est de proposer aux services patrimoniaux des bibliothèques françaises des conseils, des ressources et des arguments concernant la sécurité sanitaire des collections et les services à rendre aux usagers pendant un épisode de pandémie marqué, comme aujourd’hui, par un confinement plus ou moins généralisé de la population.

2. Ce document (téléchargeable ici) vient compléter, pour les services patrimoniaux, les recommandations nationales publiées par les associations professionnelles le 29 avril 2020 (Recommandations pour un déconfinement progressif des bibliothèques, ABD, ABF, ACIM, ADBGV, BiblioPat (éd.), 29 avril 2020, 34 p.)

3. Il ne se substitue pas aux consignes générales et aux recommandations émises par d’autres organismes, dont particulièrement les Préconisations du Haut Conseil de la santé publique relatives à l’adaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en oeuvre en population générale, hors champs sanitaire et médico-social, pour la maîtrise de la diffusion du SARS-CoV-2 , 24 avril 2020, 39 p. Tout particulièrement le chap. 17 « Mesures spécifiques en milieu professionnel et culturel ». Ce document est dorénavant cité en référence : HCSP chap. N.1
Ont également été utilisés :

4. Ce document est à jour du 30 avril 2020. Il sera mis à jour à mesure de l’avancée des connaissances sur le virus et les moyens de s’en protéger.

 

En période de fermeture des établissements au personnel et au public

Que risquent les collections ?

5. Les établissements étant fermés depuis le 15 mars environ, les collections ne sont pas (ou plus) contaminées par le coronavirus. (HCSP chap. 12)

6. Les établissements étant fermés, les collections ne risquent pas de dommages mécaniques.

7. Les risques pour les collections sont ceux d’un bâtiment fermé, en fonction des faiblesses de chaque bâtiment, identifiées dans le plan de sauvegarde des collections.

Risques d’intrusion

8. Intrusion humaine : les bâtiments doivent être fermés à clé. Le responsable du fonds patrimonial doit être informé de toute entrée dans le bâtiment : rondes, interventions techniques. Un contrôle des extérieurs et de l’ensemble des huisseries est conseillé.

9. Intrusion animale : il semble que les rongeurs soient plus hardis en période calme dans les villes. Veiller au calfeutrage des endroits faibles et aux traces de passage.

10. Des rondes régulières permettent de vérifier qu’il n’y a pas de dérangement incongru. Lors de ces rondes, on veillera à éviter de toucher trop d’objets, ou, si c’est impossible, à être particulièrement vigilant dans les 10 jours avant le retour effectif des personnels dans les locaux.

11. Si le départ a été effectué dans des conditions précipitées, ou que le retour n’est pas encore bien maîtrisé, la ronde intègre le rangement des documents patrimoniaux qui ne l'auraient pas été, la fermeture les rideaux et portes, la mise hors tension des appareils électriques.

12. La pose de pièges à insectes pour établir une campagne de surveillance annuelle peut être envisagée dans et hors des réserves. La faible présence humaine dans les locaux est l’occasion d’identifier des zones à risques et, éventuellement, des types d’insectes.

Risques climatiques

13. Les risques climatiques sont plus importants pour les bâtiments climatisés ou ventilés à l’aide d’appareils. Ceux-ci peuvent tomber en panne ou être notoirement insuffisants.

14. Dans les bâtiments habituellement humides, une ronde est indispensable même en temps de fermeture générale pour vider les déshumidificateurs et contrôler l’apparition de moisissures. Cette ronde peut avoir lieu 7 jours sur 7 si le responsable du fonds l’estime nécessaire.

15. Il est possible de réduire la fréquence de renouvellement d’air dans les magasins équipés d’un tel système en l’absence d’humains.
Faut-il désinfecter les locaux et les collections au retour ?

16. A priori (cf. § 5), il ne sera pas nécessaire de désinfecter massivement les collections ni les locaux de conservation, ni les salles de consultation, ni les bureaux au retour du personnel.

17. En revanche, un ménage soigné s’avère sans doute judicieux, notamment passer un chiffon humidifié sur les surfaces et l’aspirateur sur les sols pour éliminer la poussière qui aura amplement eu le temps de retomber pendant la période d’immobilisation des locaux.

Quels services peut-on rendre au public pendant la fermeture des établissements ?

18. Répondre, autant que faire se peut, aux demandes arrivées par mail et par courrier, si un ramassage du courrier est organisé.

19. Publier des guides de recherche dans les catalogues ou des instruments de recherche dans les collections : écrits, vidéo ou autre.

20. Corriger les catalogues et instruments de recherche, selon l’accès alloué aux outils métier.

21. Publier des recommandations ou des brèves sur le site de l’institution.

22. Ouvrir et alimenter un blog, une page Facebook, un compte Twitter ou un Instagram, avec l’autorisation de la tutelle.

23. Corriger et enrichir les données des bibliothèques numériques.

24. Valoriser les collections numérisées, sur les interfaces de bibliothèques numériques, sur les réseaux sociaux.

25. Créer des contenus ludiques ou pédagogiques à destination des enfants et des adultes.

26. Concevoir des bibliographies, des dossiers documentaires et pédagogiques.

27. Effectuer des recherches et concevoir des produits pour valoriser l’institution, le territoire, des disciplines ou personnalités-phares de l’institution, dans les bases de données et bibliothèques numériques extérieures. Peut être effectué en l’absence de bibliothèque numérique propre (chercher dans Gallica ou d’autres bibliothèques en ligne les ressources concernant sa ville par exemple).

28. Collecter des contenus en ligne relatifs à l’institution : créer des playlists vidéo ou musicales, rechercher les blogs d’histoire locale etc., faire témoigner les lecteurs sur leur usage de la bibliothèque et des collections.

 

En période de fermeture des établissements au public mais d’ouverture au personnel

Soin des collections, ateliers de conservation [Dans l’attente de recommandations plus précises].

29. Toujours se laver les mains avant de prendre un document en main (avant d’aller en magasin, sur le bureau…).

30. Privilégier le lavage des mains au savon et à l’eau (ou le port de gants pour les documents qui y obligent -- métal et photographie) plutôt que la désinfection par solution hydro-alcoolique qui peut causer des dommages irréparables aux matériaux.

31. Éviter de multiplier les déplacements et manipulations.

32. Éviter un afflux de personnel dans les magasins, les lieux de circulation et les lieux de travail : une personne à la fois par magasin, voire une même personne par jour par magasin.

33. Vérifier que les protocoles de nettoyage virucides employés par les personnels d’entretien sont compatibles avec les espaces et documents patrimoniaux. Rédiger un protocole particulier si nécessaire.

34. Laisser si possible les portes intérieures ouvertes pour éviter de contaminer les poignées. Etre particulièrement attentif à refermer les portes lorsque le personnel quitte le bâtiment et à ne pas mettre de cale sur des portes coupe-feu qui ne seraient pas dotées d'aimant.

35. Doter chaque agent de son propre matériel : crayon, gomme, règle, ciseaux, tapis de coupe etc.

36. Vérifier que les systèmes de ventilation sont bien programmés sur le renouvellement d’air et non le recyclage. En tout état de cause, limiter le temps passé à proximité d’un système de ventilation cf. HCSP chap. 11.

37. Se réapprovisionner rapidement, avant réouverture au personnel, en masques grand public et de gants en nitrile. Les stocks de masques FFP2 et FFP3 qui ont pu faire l’objet de dons à des établissements de soins en début de confinement seront renouvelés quand cela sera possible, avec une incidence probable sur le fonctionnement des ateliers de restauration.

38. Si une exposition était en cours, estimer l'intérêt de la laisser en place, de la démonter, ou a minima de refermer les livres dans leurs vitrines. Prendre contact avec les éventuels prêteurs pour choisir la solution de concert. Penser à mettre à jour les assurances le cas échéant.

39. A l’inverse, si des documents sont actuellement en prêt dans une exposition extérieure, faire le point avec l'emprunteur sur l'assurance, la mise en sûretésécurité des documents si l'exposition est démontée sans convoiement retour.

Services aux publics

40. Continuer de rendre les services à distance proposés ci-dessus.

41. Continuer les actions de médiation proposées ci-dessus.

42. Mettre en place un service de référence, notamment pour des vérifications : de présence de document, de bibliographie matérielle, de mentions… Ce service destiné à remplacer une consultation de documents de référence et ou de documents patrimoniaux s’appuie sur : la présence d’agents volontaires, la mise en place d’une procédure de recueil des demandes (courriel, téléphone, réseaux sociaux, chat), la définition des limites à la recherche, soit en terme de temps consacré, soit en ampleur.

43. Les reproductions de travail peuvent être téléguidées par le demandeur, à qui on envoie par exemple dans un premier temps la table des matières d’un ouvrage. Elles sont limitées dans la quantité de pages à reproduire selon la disponibilité des agents, des matériels et le nombre des demandes à traiter.

44. Elles ne doivent pas requérir de matériel particulier, elles doivent pouvoir s’effectuer au smartphone (reproductions de dépannage), à la tablette. Les précautions d’usage dans la manipulation des documents à cette occasion continuent évidemment d’être observées (pas de photocopie).

45. Le rétablissement rapide du service de reproduction complet avec appareils photos, scanners, numériseurs… est conseillé dans le plan de reprise d’activité général de l’établissement.

46. Ces services font l’objet d’une communication institutionnelle.

47. Des actions de médiation vidéo peuvent être proposées, comme des présentations de documents ou des vidéos « coulisses », y compris des vidéos smartphone.

 

Quelles sont les conditions pour rouvrir le service au public ?

48. BiblioPat déconseille fortement la réouverture des salles de consultation patrimoniale à ce jour et recommande le recours aux services à distance (cf. § 18-28 et 40-47).

49. Déterminer une jauge maximale pour les salles de consultation, sachant que les lecteurs sont souvent présents sur des plages de temps assez longues. En fonction de la disposition, supprimer certaines places assises en retirant des chaises. Cette jauge dépend des possibilités du personnel pour la surveillance permanente à la fois des gestes barrière et de la sécurité-sûreté des documents lors de leur consultation.

Équipement des agents en salle

50. Porter un masque ou une visière pour les agents en contact avec le public.

51. Éviter de toucher les objets appartenant aux lecteurs : pièce d’identité, carte de lecteur. Utiliser par exemple une douchette.

52. Remplir les demandes de consultation à la place des lecteurs.

53. Se laver les mains juste avant et juste après le poste.

54. Appeler un collègue pour aller se laver les mains afin de ne jamais laisser sans surveillance l’espace de consultation.

55. Solution hydro-alcoolique : la SHA peut provoquer des dommages irréparables au cuir et au papier. Il n’est donc pas recommandé de l’utiliser, sauf si on ne peut pas faire autrement. Dans ce cas, il convient de garder la solution ellemême, et les mains qui en ont été enduites, loin des documents pendant 5 à 10 minutes.

Installation des usagers

56. Encourager la réservation des documents afin de les mettre en « quarantaine » avant la consultation, notamment quand l’apport des documents en salle depuis les magasins et la remise au lecteur ne sont pas effectués par la même personne.

57. Lavage systématique des mains au savon avant l’entrée dans la salle pour toute consultation.

58. Ne pas fournir ni faire porter de gants, qui sont plus dommageables aux documents qu’un dépôt éventuel de virus.

59. Faire déposer les affaires personnelles en casiers pour éviter les manipulations d’objets personnels peut-être contaminés.

60. Si l’établissement le permet, fournir les crayons et bloc-notes au lecteur pour qu’il n’utilise pas ses effets personnels.

61. Nettoyer la table, la chaise et le casier avec un chiffon désinfectant après départ du lecteur.

Libre-accès

62. Ne pas remettre directement en rayon un document de libre-accès consulté, ni par le lecteur, ni par le bibliothécaire. Mettre en place une quarantaine sur table dédiée ou chariot (cf. infra § Durée de quarantaine).

63. Désinfecter, avec une solution d’alcool à 70°, les couvertures pelliculées du libre-accès.

64. Utiliser des couvre-clavier en silicone, changés à chaque lecteur, pour l’usage des ordinateurs. A défaut, mettre à disposition des lingettes désinfectantes pour les claviers et une SHA pour les mains.

Consultation des documents patrimoniaux

65. Continuer à privilégier les reproductions à la demande et les recherches à distance / à la place du lecteur, surtout si les conditions sanitaires dont dispose le service sont jugées insuffisantes.

66. Apporter et installer soi-même les documents, un par un, pour les lecteurs.

67. Créer une quarantaine pour les documents consultés, différente de celle du libre-accès. Cette quarantaine peut prendre différentes formes selon l’établissement, mais doit permettre la limitation des contacts. Plusieurs solutions sont envisageables : une armoire fermée en salle dont les étagères peuvent être datées, une table (signalée comme quarantaine) à l’écart du public et de l’équipe ou encore un chariot dans lequel les usagers déposent les documents consultés, fermée et datée en fin de service pour être laissé à l’écart dans un espace hors des zones publiques.

68. Créer une quarantaine pour le matériel de consultation : futons, lutrins etc.

69. Désinfecter avec une solution d’alcool à 70° ce qui peut l’être selon les recommandations des autorités sanitaires. Passer régulièrement à la machine à laver les supports tissu, de préférence à 60° au moins. Si les textiles ne peuvent passer en machine, il est conseillé de les asperger avec une solution d’alcool à 70° et de laisser sécher assez longtemps. Attention, le gel hydroalcoolique utilisé pour les mains ne peut pas être utilisé pour le nettoyage des surfaces inertes (chariots, tables...).

Durée de quarantaine

70. Le temps constitue la meilleure et la plus efficace des désinfections.

71. Comme les recommandations nationales, BiblioPat recommande une quarantaine de

  • 3 jours pour les supports papier/carton ;
  • 10 jours pour les autres supports, en l’absence de désinfection à la solution alcoolisée.

72. Cette quarantaine peut être réduite si les documents peuvent être entièrement nettoyés à la solution alcoolisée. Néanmoins, pour les
documents en papier, il est impossible de descendre sous 3 jours.

Le Département de la Conservation de la BnF a indiqué à BiblioPat que, lecture faite des articles scientifiques parus ces dernières semaines, les tests n'ont été effectués ni sur le cuir ni sur le type de papier "skivertex" (sur ce dernier, voir les tests du laboratoire de la BnF "La composition du Skivertex Ultra" dans Actualités de la conservation, n°12, 2000). Compte tenu du manque d'information sur les matériaux du patrimoine, la BnF a décidé d'une durée de 3 jours de quarantaine avant réintégration en rayonnage tous supports confondus (différents types de papier, toile, cuir, couvrures plastifiées ). Pour les couvrures plastifiées, une décontamination complémentaire à la lingette imprégnée d'éthanol à 70% (ou isopropanol 70%) est possible car il semble que le virus Sars-CoV-2 soit plus persistant sur les surfaces lisses et les plastiques.

Information des usagers

73. Informer les usagers des dispositions transitoires particulières à la salle de consultation patrimoniale via un affichage sur place, le site web de l’établissement et les comptes de réseaux sociaux, et tout autre moyen jugé adéquat (signatures de mails…).

74. Créer un feuillet de présentation destiné aux usagers reprenant les principales dispositions transitoires mises en oeuvre.

75. Créer une signalétique adaptée.